La Femme sans tête ou La Danse du ventre, 1974
Bande vidéo betacam numérique PAL diffusée sous forme de fichier numérique
4/3, noir et blanc, son
24 min 47 s
Dépôt du Centre national des arts plastiques en 2009
La Femme sans tête ou la Danse du Ventre est une vidéo qui aborde la sexualité féminine sans détour et qui interroge la crédulité religieuse. Nil Yalter se rallie au combat féministe des années 1970 et ce travail est représentatif de son engagement.
L'artiste intègre souvent dans ses travaux des rituels, des mythes et des traditions. À l'image, on observe pendant vingt-quatre minutes, en noir et blanc, le ventre de l'artiste en plan serré. Seul son ventre sera présent à l'écran, son visage est en hors-champ, la caméra est fixe et cadre à hauteur de hanche : ici pas de tête, pas d'individu.
Avec un feutre noir, Nil Yalter écrit tout autour de son nombril un passage du livre de René Nelli intitulé Érotique et civilisations : " La femme est à la fois convexe et concave. Mais encore faut-il qu'on ne l'ait point privée mentalement ou physiquement, du centre principal de sa convexité : le clitoris [...]. Cette haine du clitoris correspond en vérité à l'horreur ancestrale que l'homme a toujours éprouvée pour la composante virile et naturelle de la femme, celle qui, chez elle, conditionne l'orgasme absolu." [1]
Le cadrage adopté s'accorde à ce que formule le texte, qui lui, évoque ce qui n'est pas vu à l'image ; le sexe et son histoire. Selon l'artiste, il s'agit dans cette vidéo, de " neutraliser l'angoisse subconsciente que causait aux hommes l'abîme féminin dans lequel ils craignent toujours de se perdre par excès de plaisir " [2]. Le texte renvoie doublement à la jouissance propre à l'organe sexuel et aux violences qu'il peut subir – ici, en l'occurrence : l'excision. Le fait d'écrire sur son ventre fait écho à une signification particulière : en Anatolie, jusqu'à il n'y a pas si longtemps, les femmes stériles ou désobéissantes étaient conduites devant l'imam de leur village pour que ce dernier inscrive des prières sur leurs ventres : " Le ventre devenait alors talisman " [3].
Dans cette vidéo, l'artiste entame une danse du ventre, une fois son ventre recouvert de texte, au rythme d'une musique traditionnelle orientale.
Elle inverse la symbolique du rituel anatolien en dénonçant les mutilations religieuses et le déni du plaisir féminin, elle met en scène un rituel fictif qui emprunte ses codes à diverses cultures et rappelle les liens ténus qui existent entre fécondité et érotisme.
Cette vidéo a été exposée pour la première fois en 1974 au Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris.
Lou Svahn
[1] TEZKAN, Melis, Vidéo et identité : pratiques d'artistes au Brésil, en France et en Turquie, Paris, L'Harmattan, 2014.
[2] Nil Yalter interviewée par Esther Ferrer : " La frontera entre la vida y el arte", Lapiz, Madrid, n°60, printemps 1989, p. 32.
[3] TEZKAN, Melis, 3]TEZKAN, Melis, "Esthétique du nomadisme", Vidéo et identité: pratiques d'artistes au Brésil, en France et en Turquie, Paris, L'Harmattan, p 87.