Averse, 2007

1 vidéoprojecteur, 1 lecteur DVD, 1 amplificateur, 2 haut-parleurs, 1 bande vidéo,PAL, 4/3, couleur, son stéréo


Averse est une installation vidéo, dans laquelle une pluie de lumières tombe dans un local désaffecté. Dans un rythme aléatoire, des néons se décrochent de leur plafonnier et s’écrasent au sol dans une explosion de morceaux de verre. A chaque néon qui se brise le lieu s’assombrit un peu plus. La chute, toujours imprévisible, entraîne la séquence vers sa fin inéluctable, l’obscurité.
L’installation a des contraintes d’exposition spécifiques. Le mur de projection doit être blanc dans une salle aux murs blancs ou gris clair, plongée dans l’obscurité. La projection du film doit couvrir la totalité du mur du sol au plafond. L’espace projeté devient ainsi une continuité du lieu d’exposition grâce à la couleur des murs de la salle et à la perspective du cadrage, qui s’inscrit dans la continuité du plan de la pièce de projection. Un noir de 3 secondes est recommandé avant le redémarrage du film, permettant au spectateur, à la fin de chaque séquence, de s’imprègner de la pénombre, avant d’être à nouveau ébloui par l’image de cette salle blanche intensément éclairée par des rampes d’éclairage au plafond en lampe néon. La projection est l’éclairage du lieu et de l’œuvre, jouant une mise en abyme du film.
Seule vidéo, à ce jour, de l’œuvre de Delphine Reist, Averse emploie des matériaux trouvés dans ce lieu ordinaire, ressemblant à un bureau, une école ou un hôpital. Ce choix du quelconque, omniprésent dans son travail, place la poésie de la pièce dans le quotidien. C’est juste une perturbation, les néons sont au départ à leur place et dans leur fonction, le temps juste les précipite dans leur chute. Il y a comme une accélération de la dégradation naturelle d’un lieu. Comme dans l’ensemble de son travail, la présence de l’homme est invisible, les objets semblent mûs par eux-mêmes. Chaque néon tombe comme animé d’une volonté de destruction. La disparition progressive de la lumière redessine différemment le lieu à chaque étape. Cette plongée dans l’obscurité apporte un peu plus de mystère et d’inquiétude à ce lieu désert, à chaque fracas d’un néon au sol. Faire une pièce avec de la lumière rend l’objet visible par lui-même, l’objet devient la source du rayonnement, il éclaire. Ici le tube, en se détruisant, assombrit l’espace, et fait disparaître la pièce. A la dernière explosion, la projection s’arrête, la pièce s’éteint.
L’utilisation du néon n’est pas sans rappeler une histoire de l’art proche, qui démarre avec Dan Flavin et se poursuit avec François Morellet ou Vincent Lamouroux. Mais si ces artistes construisent l’espace avec leurs sculptures lumineuses, il s’agit, chez cette artiste suisse, d’un geste d’anéantissement, de mise à plat, pour repartir à l’identique dans la mise en boucle. Chez Delphine Reist, les objets ont une vie au-delà de leur créateur, l’homme devient le spectateur impuissant d’un monde matériel pris dans le cycle d’une dégradation inéluctable, suivie d’une reconstruction quasi immédiate.

Patricia Maincent