Père Coco et quelques objets perdus en 2001, 2002

Betacam numérique PAL, couleur, silencieux


Dans ce film de 5 minutes montré en boucle, la caméra suit les déambulations de Père Coco, qui se promène, du matin au soir, au gré de ses trouvailles. Durant toute la séquence, le protocole est le même : un objet, posé au sol, est montré en gros plan, puis Père Coco entre dans le champ et vient le ramasser. En filmant la séquence en une image seconde, Jordi Colomer fait de son personnage un pantin qui surgit dans le champ de façon imprévisible avec une gestuelle saccadée de poupée mécanique, rendant sa présence étrange, voire inquiétante. Père Coco utilise et emporte le tout venant, ses pas sont guidés par ses découvertes, comme si le sens de son parcours naissait grâce aux oublis d'inconnus. Peu de rencontres, hormis quelques passants et un enfant qui fait un geste d'adieu par la fenêtre d'un train, comme si la réalité de Père Coco n'existait que dans le monde déserté de cette ville portuaire, loin de l'enfance. Cette quête est le fruit du hasard, récolté au bureau des objets trouvés de Saint Nazaire, où Jordi Colomer a pu emprunter le stock 2001 pour tourner son film. Cet étrange personnage joue avec ces objets de peu de valeur. Il met une cravate, se coiffe d'un casque vermillon, et remplit son sac de tous les oublis, les pertes mais aussi les rebuts de la société. L'allusion au Père Noël dans le nom et ce geste inversé de ramasser plutôt que de distribuer en fait un Père Fouettard, condamné à l'errance, récoltant le surplus d'une société peu soigneuse. Ses pas le mènent sur un quai où il danse seul avec une poupée Barbie devant un cargo illuminé, loin de la fête. Sa solitude et sa marginalité effrayent, tel un Père Fouettard, qui brandirait la pauvreté et l'exclusion face au rêve du Père Noël, rejetant dans le même temps les codes de la société de consommation.

Patricia Maincent