Appelez vite, 1995

Installation sonore
Édition illimitée
1 CD audio stéréo (fr.), 2 haut-parleurs, 4’


 Dans le sillage de Restez à l'écoute, Appelez vite est une séquence sonore de chiffres scandés l'un derrière l'autre par différentes voix radiophoniques. Il s'agit d'un collage dans lequel Closky n'a gardé, de l'annonce publicitaire classique, qu'une suite de numéros de téléphone que l'auditeur est invité, plus ou moins péremptoirement, à appeler. L'œuvre fonctionne en boucle : littéralement sans début ni fin, elle coïncide avec la puissance pénétrante indifférenciée de la diffusion radiophonique. Comme dans Restez à l'écoute, le ton sur lequel sont scandés les numéros de téléphone conjugue la séduction et la prescription subtile. L'œuvre joue en effet sur deux tableaux : le souvenir, avec tout ce qu'il peut avoir de quotidien, de domestique et, surtout, de familier pour le spectateur/auditeur, et le sentiment d'absurdité, d'improbabilité, voire d'inquiétude, qu'elle ne peut manquer de susciter. Le champ d'action de Closky est évident : sa recherche s'insère dans une décontextualisation des stéréotypes familiers de l'imaginaire de la communication, qu'elle met en évidence. Mais cette recherche n'est pas seulement un constat. Elle met à profit les fissures de la zone inconsciente de la perception, qu'elle sollicite sans pour autant la " rectifier " de quelque manière que ce soit. De fait, Closky ne marche pas sur les traces des artistes pop, par exemple, et de Warhol en particulier. Il agit sur la matière sonore en phase de sélection et d'editing en modelant une forme qui poursuit un double but simultané : habiter le vide et marquer un espace, quand bien même purement mental. Dans Appelez vite, la modalité du contact potentiel est claire (la succession des numéros de téléphone) mais il manque – à dessein – toutes les coordonnées signalétiques. L'auditeur reste donc complètement dans l'obscurité de son impression étrange de quotidienneté trahie. En revanche, la composante aliénante émerge sans ambiguïté. Et cette dimension déroutante, qui invite le public à passer de l'œuvre à son contexte d'origine, ne peut que l'obliger à s'interroger sur la puissance d'aliénation latente dans les médias et sur son efficacité imprévisible et insidieuse.


Andrea Lissoni


Traduit par Anne Guglielmetti