Four Short Tapes, 1976

U-matic, NTSC, couleur, son


Four Sided Tape
Peter Campus explore ici la vidéo non pas comme démonstration d'effets, mais pour mettre en regard son propre corps en présence d'un double immédiat. Visions succinctes et métaphoriques d'un duel entre l'homme et son image, entre la partie et le tout, où le medium fait office non pas de miroir mais de redoublement du miroir. A travers quatre séquences – le pied, le torse, le visage et la main- Peter Campus confronte de manière quasi systématique le corps réel avec son double immatériel, les enchaîne l'un à l'autre dans une véritable relation de gémellité, et parvient, par une composition extrêmement précise du cadre, à ce que les frontières soient presque indiscernables, à ce que notre propre position par rapport à cette image soit toujours elle-même irréversible, et enfin à ce que cette situation d'indécision fondamentale soit dénouée par un retournement, un fracas, une rupture, un déchirement qui repositionne le corps dans son espace d'origine.


East Ended Tape
Le visage d'une femme se recouvre lentement d'ombre, à l'image d'une éclipse momentanée, cette ombre étant celle de sa propre main qui semble pourtant appartenir à un autre, surgir d'un ailleurs et qui n'en est pas moins le prolongement de son corps.
Un homme se recouvre le visage d'un plastique translucide, geste qui le fait disparaître progressivement, le voile, l'opacifie, le momifie. Le même visage de femme se dédouble, scindé en deux espaces qui composent une image unique. Néanmoins les deux hémisphères se détachent sans cesse dans un mouvement simultané de rotation sans jamais parvenir à se rejoindre. 'Je' est toujours un autre, une image inaccessible. Puis derrière une brume épaisse le visage de l'artiste s'évanouit. L'homme est toujours là, présent derrière l'image. Quatre fragments sans paroles, qui dévisagent l'être dans un monde de disparitions, de voiles, de masques et de perte d'identité.


Third Tape
Trois fragments, trois portraits vidéo, retravaillés de façon synthétiques selon les techniques de l'expressionnisme, du cubisme et du surréalisme. Trois visages qui traversent l'histoire de l'art moderne, qui se découpent, se fragmentent, s'immergent  dans la  matière vidéo, comme un miroir, une mémoire de l'art et qui, pris selon des points de vue 'impossibles', des angles ambivalents ou discordants, placent le spectateur dans un espace paradoxal


Six Fragments
Cette bande entraîne, par l'irruption d'un texte, d'une fiction, d'acteurs et d'une sorte de composition théâtrale, une véritable rupture au sein de l'œuvre de Peter Campus. En regard de son approche expérimentale du médium, de l'univers intime de l'atelier et de la performance, cette bande apparaît comme un objet de transition. Elle montre son désir d'investir la vidéo autrement qu'en elle-même, comme un support de narration, un lieu d'histoire, ici celui d'un rêve de fuite, de perte et d'abandon.


Stéphanie Moisdon
(Texte extrait du catalogue 'Vidéo et après', éd. Centre Pompidou/ éditions Carré, 1992)