Nationalité canadienne
Née en 1955 à Montréal (Canada)
Vit et travaille à Montréal (Canada)
Biographie
Bibliographie
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Biographie

Geneviève Cadieux suit des études d'Arts visuels à l'Université d'Ottawa et commence à exposer ses œuvres au Canada dès le début des années 1980. Boursière du programme DAAD à Berlin en 1993, elle a également enseigné dans plusieurs établissements : à l'Université Concordia de Montréal (de 1991 à 1993), puis en tant que professeure invitée à l'École nationale supérieure des Beaux-arts à Paris (1994) et enfin à l'École nationale des Beaux-arts à Grenoble (1996.)

Son travail artistique est d'abord exclusivement photographique, puis elle a progressivement recours au son et à l'image vidéo et réalise des installations plus complexes. De par leur mise en espace ou l'emploi de dispositifs savants, les œuvres photographiques deviennent des installations à part entière : installation diapositive et son avec Voices of Reason / Voices of Madness, photographie sculpturale avec La Voie Lactée en 1992, qui surplombe le Musée d'Art Contemporain de Montréal, Portrait de Famille, 1990 etc.

 

Au cours des années 1980 et 1990, l'essentiel de ses œuvres sont des photographies de très grand format, en noir et blanc ou en couleur, mettant en scène le corps humain. Les photographies de cicatrices, prises en très gros plan et réalisées en 1988 pour l'installation sculpturale Trou de mémoire, la beauté inattendue, offrent des exemples des figurations de corps de l'artiste, qui mettent en évidence des qualités très cinématographiques et se situent parfois à la limite de l'abstraction.

Elle utilise la photographie "à cause du pouvoir d'enregistrement des images qu'elle possède"[1]. Elle met en œuvre le corps humain comme entité physique, espace psychique, interface entre l'intime et l'autre. Les difficultés liées à la communication, un questionnement sur l'identité ainsi que des sentiments violents tels que le désir, l'angoisse ou la répulsion, sont récurrents dans les œuvres de Geneviève Cadieux, et ce, même lorsque l'artiste se distancie de la représentation directe du corps. A la fin des années 1990, elle expose en effet plusieurs œuvres photographiques révélant des paysages (Juillet 94 en 1995, Pour un oui pour un non en 2000 et Portrait en 2002).

 

Ce sont souvent les membres de sa famille qui posent pour ses photographies (notamment sa sœur l'actrice Anne-Marie Cadieux). Pour Portrait de famille(1991), une installation photographique caractéristique de ses premiers travaux, elle conçoit trois immenses portraits (de sa mère, son père et sa sœur) placés sur des caissons lumineux, eux-mêmes disposés de façon à former un triangle ouvert. Le visiteur est ainsi contraint de se mouvoir pour observer chacun des portraits, mais il peut également passer à l'intérieur de la structure, accédant alors à un point de vue plus intime, celui de la " face cachée " de la famille. Loin de l'imagerie traditionnelle du portrait de famille, ces photographies mettent en scène des visages aux yeux clos, ou mi-clos, et un dispositif évoquant la souffrance et l'incompréhension (l'envers du portrait de la sœur révèle l'arrière de sa tête, comme si elle tournait le dos à ses parents, tandis qu'apparaît, à l'arrière du portrait de la mère, une main ensanglantée).

 

En 1995, elle réalise sa première installation sonore, Broken Memory, qui se présente sous la forme d'une grande caisse trapézoïdale en verre transparent, dans laquelle sont enchâssés des haut-parleurs diffusant une voix féminine entre cris et pleurs. Le dispositif est minimal : l'immense volume de la caisse n'enferme que les fils électriques des haut-parleurs gisant par dizaines sur le sol. L'œuvre, qui rend cette fois la douleur non plus visible mais audible, s'inspire d'un poème baroque de sœur Juana Iñez de La Cruz[2] selon lequel "l'insoutenable angoisse ne doit pas demeurer secrète". L'artiste associe la voix de la souffrance universelle à l'expérience personnelle du visiteur qui voit son image se refléter sur le support de verre.

 

Après les installations photographiques et sonores, Geneviève Cadieux s'empare du médium vidéo en 1999 dans Paramour, installation qui s'apparente à ses diptyques photographiques intitulés Elle et Lui, puisqu'elle y aborde également le dialogue impossible entre un homme et une femme. Dans Paramour, la femme est visible et pose des questions, tandis que l'homme est invisible et n'y répond pas. Une fois de plus, c'est une œuvre littéraire qui a inspiré l'artiste, un texte de Marguerite Duras, La Maladie de la mort (1983).

 

Emilie Benoit

 


[2] Sor Juana Ines de la Cruz, nonne du XVIIème siècle, fut réduite au silence par l'église parce qu'elle prônait le droit pour les femmes d'étudier les textes religieux.