Nationalité irlandaise Né en 1941 à Ballaghaderreen (Irlande) Vit et travaille à Dublin (Irlande) | Biographie Bibliographie Liste expositions |
James Coleman est né en 1941 à Ballaghaderreen, en Irlande. Il réalise des installations et des vidéos liées au glissement : séquences d'effacement, d'images immobiles, de sons désynchronisés. Son travail se situe entre photographie et cinéma, théâtre et peinture, entre toutes les formes d’arts liées à la fixité et à l’animation. Des situations sociales sont dépeintes avec une précision qui, paradoxalement, crée une ambiguïté narrative. James Coleman a étudié au National College of Art and Design, à Dublin et à la University College Dublin. Il a travaillé à Paris, Londres, et Milan, avant de retourner en Irlande. Il a représenté l'Irlande à la Biennale de Paris en 1973. Le titre de Doctor of Fine Arts honoris causa lui a été remis par l'Université nationale d'Irlande à NUI Galway en juin 2006.
Tout au long de sa carrière, James Coleman s'est préoccupé de questions telles que la perception, la représentation, la construction de l'image et de l'identité. Il aborde ces sujets par des médias divers tels que la vidéo, le film, la projection de diapositives, le théâtre et la performance. Dans son travail, Coleman relie la fiction à la réalité, des genres littéraires comme le théâtre et le folklore irlandais à des pastiches d'événements extraits de la vie quotidienne. Ces éléments sont combinés à des images qui font indirectement référence à la peinture traditionnelle, la photographie, le cinéma. Les œuvres de Coleman sont présentées comme des mises en scène devant lesquelles le spectateur observateur risque de se trouver piégé dans un réseau d'impressions et de tensions.
Dans ses installations, des images fixes se succèdent les unes aux autres selon un certain rythme, tandis qu’une voix off récite une histoire. Il n’y a ni début ni fin de l’œuvre qui est projetée en boucle, le spectateur entrant en sortant de la pièce noire de l’installation décide par ses déplacements de la durée de ce qu’il voit, et reconstitue lui-même le récit qui lui est proposé. Comme l’écrit Jean Fisher dans On Seeing Oneself, A Perspective, étude sur l’œuvre de Coleman : « Ce travail devient lui-même du théâtre dans lequel le spectateur est co-performeur ».
Coleman photographie ses acteurs dans un décor selon certains cadrages, puis il effectue un montage réalisé par juxtaposition d’images séquences. Dans INITIALS (1993), des diapositives se chevauchent et se succèdent en de lents fondus représentant des lits d’hôpital vides entassés contre un mur. Cette installation est une projection commentée de quatre-vingt neuf diapositives. Six personnages se trouvent dans un hôpital désaffecté, délabré. Ils se déplacent sur l’écran d’une diapositive à une autre, tandis que le décor se modifie lui aussi. Coleman fait intervenir le texte en premier plan par sa quantité et la densité de ses variations. Le texte est elliptique, articulé à une succession d’images dont elle infléchit le sens. Mais les images ont une telle complexité que l’on ne peut s’arrêter aux mots qui ne s’arrêtent jamais, et qui sans cesse nous échappent. Une tentation nous retient : arrêter le texte pour penser ce qui s’effectue entre les images et lui. Mais ici toute interprétation est ici vaine et détruite. Coleman interroge dans cette œuvre notre capacité à questionner le sens de l’image et notre capacité à la déchiffrer. Tout ce qui pourrait aider le spectateur à construire une narration se dérobe devant lui. Quelque chose se déroule ici qui déconstruit les modalités de la perception. Il est donc trompeur de parler de récit ; souvenir, sentiments, phrases ressassées se superposent : ici le récit et l’image ne peuvent s’unifier pour offrir au spectateur un sens précis de l’œuvre.
Coleman s’est toujours montré réticent à publier une partie des textes de ses installations, ou simplement répondre à leur sens. Rien n’est fait pour dissimuler le mécanisme de production de l’œuvre : les projecteurs et leur bourdonnement occupe ostensiblement l’espace de la pièce.
Quand l’espace est défini par des images et des sons, ce sont plus particulièrement les points de vue et les points d’écoute du spectateur qui sont sollicités. James Coleman est particulièrement attentif à cette dimension et contrôle très précisément les dimensions des pièces et de l’écran, la place et le nombre de hauts parleurs, le niveau du son, la qualité de réverbération sur les murs… c'est-à-dire tous les paramètres formels qui vont orienter la réception des montages.
INITIALS, Background (1993), et Lapsus Exposure (1993) sont trois œuvres centrées sur la photographie. Elles s’intéressent moins à l’image photographique en soi qu’au projecteur et aux conséquences de son appartenance à une longue lignée d’appareil (la chambre noire, le stéréoscope …) destinés à visualiser et à organiser la connaissance du monde. Tous ces appareils ont pour point commun de dépendre de la lumière. La vue serait la condition métaphorique de la connaissance et de la vérité. Si la faillibilité de l’œil peut se substituer à l’objectivité de l’œil mécanique, nous pourrions penser que n’est vrai que ce que l’on peut manifestement mesurer. Or la chambre noire dissocie la vue du corps sensible : elle empêche l’observateur de voir que sa position spatiale fait partie de la représentation. Ces trois œuvres s’en prennent à un paradoxe de la photographie : elle a beau sembler assurer la présence permanente de son sujet, elle n’en annonce pas moins sa mort. Il ne faut pas chercher la vérité de la photographie dans une quelconque équivalence à son référent. Prétendre qu’elle est l’analogue ou le miroir d’une réalité phénoménale revient à nier sa dimension fictionnelle.
La succession des diapositives anime l’image fixe et recule ses limites apparentes. Elle balaie l’espace, met en valeur tel coin ou tel détail, elle bat en brèche la cohérence spatiale qu’on attend d’une image photographique fixe. Loin de rationaliser l’espace, les personnages semblent indirectement en rapport avec lui, ils prennent la pose devant l’objectif, regardent des polaroids, ou boivent une tasse de thé.
Or plus on tente de saisir un élément ou un sens essentiel, plus il nous échappe.
Elodie Vouille